Maintenir l'ordre sur la voie ferrée

Sam Steele et ses hommes au campement du chemin de fer.

Sam Steele et ses hommes au campement du chemin de fer.

Entre 1882 et 1885, 4 000 travailleurs envahissent l’Ouest pour la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique. Ils travaillent habituellement jusqu’à ce que l’hiver arrive, puis la plupart retournent chez eux. Notre travail consiste à veiller à ce qu’il n’y ait aucun alcool dans leurs campements. Nous assurons aussi la loi contre le vol de chevaux ou tout autre crime.

Le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) est la réponse au rêve de John A. Macdonald. Cette bande de fer allait unifier le Canada.

Travailleurs du chemin de fer à leur campement en montagne.

Travailleurs du chemin de fer à leur campement en montagne.

Le chemin de fer est fondé grâce à des actionnaires et grâce au gouvernement qui ne cesse d’investir des sommes d’argent dans le projet. En fait, ce projet remplit aussi une promesse faite à la Colombie-Britanique, la condition imposée par la province pour rester au Canada.

Le coût de la construction du chemin de fer est énorme, d’autant plus qu’il traverse une grande surface non peuplée du territoire canadien.

La ligne de chemin de fer ne génère aussi que très peu de profits avant que les colons ne commencent à s’établir en bordure et qu’ils ne l’utilisent pour le transport du bétail et du grain. Les gens du gouvernement comme les autres commencent à grogner face aux énormes dépenses.

Quand la Rébellion du Nord-Ouest commence, la construction de la voie ferrée trouve sa justification. En sept jours seulement, 3 000 troupes sont transportées de l’Est vers la Saskatchewan. Sans cette rapidité d’action, la Rébellion aurait durée beaucoup plus longtemps et elle aurait laissé couler plus de sang.

« Ils forment une bande de durs à cuir ces hommes, je vous le dis. Ils travaillent fort toute la journée et ils jouent aussi intensivement toute la nuit. Alors même que l’alcool est prohibé, que posséder de l’alcool est interdit par la loi dans toute la région, les contrebandiers nous tiennent occupés. Ils introduisent illégalement des bouteilles ou des cannes d’alcool dans des tonneaux de térébenthine. Des oeufs sont même vidés pour en remplir la coquille d’alcool! Les contrebandiers connaissent mille et une ruses. Heureusement, nous réussissons tout de même à trouver la majorité de l’alcool. Autrement, nous courrions vers de graves ennuis! »

Le dernier crampon est enfoncé à Craigellachie et le chemin de fer est finalement terminé!

Le dernier crampon est enfoncé à Craigellachie et le chemin de fer est finalement terminé!

Les jeux de hasard sont aussi un sport très populaire chez les travailleurs. Certains jours, dans mes fonctions de gardien de la paix, je vois des hommes, déjà présents sur les lieux avant mon arrivée, partir bien après la noirceur. La plupart reçoivent une amende et perdent toute somme d’argent gagnée au jeu.

Là où il y a des campements d’hommes, il y a aussi habituellement des prostituées. D’abord, nous traitons les prostituées comme un mal nécessaire : au moins, les travailleurs laissent tranquilles les dames respectables. Quand nous recevons des plaintes, nous effectuons une descente dans la maison en question aux frais des femmes qui se trouvent à l’intérieur. Nous leur offrons le choix de payer l’amende ou de quitter la ville. La plupart d’entre elles trouvent le choix de voyager très attrayant.

Des hommes de toutes les classes sociales travaillent à la construction du chemin de fer.

Des hommes de toutes les classes sociales travaillent à la construction du chemin de fer.

C’est un endroit où il est difficile de vivre... Mineurs, cow-boys, trappeurs et prospecteurs se rassemblent dans les bars pour boire et jouer aux cartes. Je me souviens qu’à cette époque, je croyais qu’aucun esprit ne pouvait être acheté pour de l’amour ou de l’argent.

Si le whisky avait été permis, avec ces hommes rassemblés dans les bars, le coût de la vie aurait été très avantageux.

—AC Forster Boulton, arpenteur géomètre, 1883.

En 1884, je suis promu inspecteur. On me met en charge de la surveillance de la ligne de chemin de fer qui traverse les montagnes Rocheuses. J’avais prévu choisir une forte équipe pour m’accompagner, mais comme tous les hommes se sont portés volontaires, j’ai pu choisir tous les meilleurs tireurs. Nous arrivons à Laggan (lac Louise) au printemps et je poste mes hommes où leur présence est la plus urgemment requise.

Notre travail constitue en partie à escorter l’officier trésorier dans sa tournée les jours de paye. Des hommes sont alors envoyés devant au cas où quelqu’un se serait caché dans l’esprit d’effectuer une attaque à main armée. Deux autres hommes surveillent nos arrières afin de prévenir toute attaque par derrière.

Poste de police à Donald.

Poste de police à Donald.

Nous suivons les campements tandis qu’ils s’étendent de plus en plus dans les montagnes, de Laggan jusqu’à Golden, puis de Donald jusqu’à la rivière Beaver. Bars, salles de danse et autres maisons ruinent les travailleurs. Il y a beaucoup de petits vols tout comme de nombreux cas d’ébriété, d’agressions et il y eut même un meurtre! Les campements sont animés toute la nuit, tout comme nous.

En 1885, le CFCP fait face à des problèmes financiers et ses travailleurs ne sont pas payés. Ces derniers se préparent pour une émeute tandis que moi, je suis alité à cause d’une typhoïde ayant un mal fou à me bouger. Néanmoins, j’envoie un télégramme au premier ministre afin de l’informer de la situation et j’envoie mes hommes conseiller aux travailleurs d’être patients. Ottawa ne répond pas et les hommes ne sont pas payés. Ces derniers déclenchent une grève. Au même moment, le maire de Calgary m’envoie une télégraphie à propos d’un soulèvement en Saskatchewan. Les Métis sont en révolte, les Cris sont sur le point de les joindre et les Pieds-noirs campent aux frontières du fort.

Patrouiller les campements demande patience et diplomatie.

Patrouiller les campements demande patience et diplomatie.

« Pour l’amour de Dieu, me prie-t-il, viens! » Je ne peux pas, je suis trop malade et je dois négocier avec les grévistes qui forment une émeute au pas de ma porte.

J’envoie le sergent Fury arrêter l’un des grévistes, mais l’ivresse de la foule formée de 200 hommes armés lui fait faire demi-tour. Je le renvoie en compagnie de trois autres officiers en leur donnant l’ordre de faire feu sur tout manifestant gênant l’arrestation. Je regarde par la fenêtre et décide qu’assez, c’est assez! Je m’empare d’un fusil et d’une copie de la Loi d’Émeute puis affronte la foule. Après avoir châtié les travailleurs pour leur comportement, je leur dis : « Si, parmi vous, je trouve plus de douze hommes rassemblés ou toute foule rassemblée, j’ouvrirai le feu et vous abattrai! Maintenant, dispersez-vous et reprenez vos esprits. »

Après avoir mis fin à la grève et à l’émeute dans les montagnes, je me rends à Calgary avec les meneurs de bandes en état d’arrestation. J’ai l’ordre ferme d’organiser un détachement de la cavalerie et d’organiser la poursuite de Big Bear, un chef cri des plus rebelles.

Big Bear à droite en compagnie de d’autres chefs cris.

Big Bear à droite en compagnie de d’autres chefs cris.

Big Bear est un chef cri des Plaines. Né en 1825 près du Fort Carlton, en Saskatchewan, il vit pendant une période tumultueuse dans les Prairies. Il voit le bison disparaître, les siens mourir de faim et les colons s’établir sur leur territoire. Pendant la Rébellion du Nord-Ouest, il essaie en vain de garder son peuple en dehors des conflits. Ayant refusé de signer la Traité no 6, mais s’acharnant toujours à effectuer des requêtes auprès du gouvernement en faveur de son peuple, Big Bear est vite étiqueté de trouble-fête par les blancs.

Son peuple se tourne bientôt vers Little Bad Man et Wandering Spirit qui sont en faveur de la guerre contre la PCN-O et contre les colons. Contre la volonté du conseil de Big Bear, la bande affronte la PCN-O au lac Frog et brûle le Fort Pitt. La bande s’incline devant la défaite au lac Loon.

Même s’il fut remplacé en tant que chef, Big Bear est tenu responsable des agressions commises par son peuple. Il se rend à la PCN-O, au Fort Carlton, le 2 juillet 1885. Accusé de trahison, il est condamné à trois ans de prison au pénitencier Stony Mountain. Malade et l’esprit tourmenté, il est relâché deux ans plus tard. Il meurt en 1888.