La Ruée vers l'or et le maintien de l'ordre au Yukon
Un camp de mineurs au Yukon.
Pendant que nous nous concentrons sur les colons, les Autochtones et les criminels de l’Ouest, des événements marquants pour la PCN-O se produisent dans le Nord.
La route de l’or était une route difficile.
Les mineurs sont des hommes qui ont une seule chose en tête : trouver le filon principal. Ils cherchent la richesse dans les endroits les plus difficiles et les plus lointains. En 1894, près de 1000 miniers trouvent le chemin du Yukon. Missionnaires et commerçants de whisky se joignent à eux. L’évêque anglican, de plus en plus inquiets de la misère des autochtones, écrit plusieurs lettres au gouvernement. Finalement, notre commissaire envoie deux officiers, l’inspecteur Constantine et le sergent Brown, pour mener une enquête.
Les deux hommes ont pour ordre d’inspecter les alentours et de décider quelles mesures sont nécessaires. Aussi, s’ils ont l’occasion de collecter des redevances pour le gouvernement, ils sont sommés de le faire.
Par contre, atteindre le Yukon n’est pas une mince affaire. Après deux mois, nos deux hommes arrivent à Fortymile, une ville près de la rivière Yukon. Ils prennent le train, un bateau à vapeur, ils marchent, font du radeau et encore du bateau avant d’arriver, enfin, à destination. Ils visitent les camps de mineurs, parlent aux villageois et aux autochtones puis observent ce qui se passent dans cette région. Ah oui, ils collectent aussi 3 248,82 $ de redevances pour le gouvernement. En automne, Constantine retourne dans le Sud pour effectuer son rapport. Brown demeure sur place tout l’hiver. Il y représente le gouvernement et continue à collecter les redevances sur la production d’or.
Les hommes subissent dans les prairies les hivers les plus rudes jamais rencontrés.
Dans son rapport, Constantine fait part de son appréhension face à l’avenir au Yukon. Près de la moitié des mineurs sont américains et la frontière entre le Canada et l’Alaska vient à peine d’être établit. Jusqu’ici, les mineurs font leur propre loi; ils voient le gouvernement comme un intrus et les maisons de jeux comme les bars ne suivent aucune loi. Constantine recommande d’envoyer 50 hommes au Yukon. Ces hommes doivent être grands, forts, ne pas boire d’alcool et posséder au moins deux années d’expérience dans la Force. Constantin est renvoyé au Yukon durant l’été 1895 en compagnie de 19 hommes pour couvrir tout le territoire.
Les hommes établissent le premier poste de la police montée du Nord à Fort Constantine. Ils constatent très tôt qu’être policer au nord implique beaucoup de coupe de bois. En fait, pour rester au chaud durant les longs mois d’hiver, il faut effectuer de nombreux voyages dans la forêt à la recherche de bois de chauffage. Les prisonniers payaient des amendes et des sentences pour la coupe du bois.
Fort Constantine pendant l’hiver.
« La quantité de bois consommé dans les casernes et dans les bureaux du gouvernement est énorme.
Le feu doit être entretenu toute la nuit… Pour vous donner une idée de la quantité de bois consommé, la PCN-O et le gouvernement utilisent ensemble près de 1 000 cordes. Cette pile de carburant de 8 000 pieds de longueur, de 4 pieds de hauteur et de 4 pieds de largeur alimente le feu que les prisonniers entretiennent continuellement en action.
Les prisonniers détestent cette pile de bois plus qu’ils ne détestent leurs gardiens. Cette pile est au centre des discussions dans la ville de Dawson, car elle tient plus de 50 malfaiteurs occupés toute la journée. »
Fort Constantine.
L’autre préoccupation majeure des hommes est la nourriture. La majorité des provisions arrive pendant les mois d’été, par bateau à vapeur, sur la rivière Yukon. Une fois la rivière gelée, les hommes doivent se contenter des provisions déjà acquises et mises de côté pour l’hiver ou de la viande qu’ils obtiennent de la chasse. Avec les années, alors que la rivière commence à geler de plus en plus tôt, les hommes se retrouvent à court de provisions avant la fin de l’hiver. Selon l’inspecteur Constantine, cela veut aussi malheureusement dire que les prisonniers sont davantage réprimandés et envoyés dehors, sans nourriture, au lieu d’être gardés à l’intérieur où le service des repas est effectué.
Par chance, la PCN-O est déjà établie quand sévit la grève. En août 1896, trois compagnons découvrent de l’or dans la crique Bonanza, 50 miles en amont de la rivière Fortymile. La ruée vers l’or du Yukon était sur le point de commencer.
Constantine obtient finalement tous les hommes dont il a besoin. En deux ans, 300 policiers à cheval se trouvent au Yukon, moi y compris. Notre rôle est de garder la paix, collecter les redevances et assurer une puissante présence canadienne sur ces terres.
L’or, l’avidité et l’alcool font un mélange explosif. Nous avons du travail plein les bras. Nous enquêtons sur des cas de réclamation, des cas d’associés qui disparaissent avec des sacs de poudre d’or, de vol de nourriture, d’agression, de meurtre, de contrebande d’alcool et des cas de jeux illégaux. Nous construisons le fort Herchmer près de la ville de Dawson et de la rivière Bonanza. Nous établissons aussi des détachements à des endroits comme le lac Bennett, le passage White et le passage Chilkoot.
La PCN-O sur le passage Chilkoot.
« …. Pour ma part, je suis éveillé un minimum de 19 heures par jours. Je me retire pour me reposer à 2 heures du matin ou plus tard, puis je me lève à 6 heures. Je sors de mes quartiers à 7 heures et je marche 5 miles à travers les glaces des montagnes Klondyke afin d’effectuer les visites de tous les postes contenus dans ma tournée quotidienne. Je siège au sein de différents comités et j’assure certaines fonctions de la routine d’un adjudant. Comme il n’y a pas d’adjudant sur le territoire du Yukon, c’est moi qui effectue la tournée quotidienne des prisonniers et qui, à minuit, retourne à la station de la ville afin de m’assurer que tout se déroule bien. » —Sam Steele
Nous sommes soucieux lorsqu’une vague de chercheurs d’or arrive à Skagway et à Dyea, prêts à se lancer dans la nature sauvage sans conscience de ce que cette aventure implique. Nous nous positionnons à l’entrée des passages de la route Chilkoot afin de nous assurer que chacun des voyageurs soit muni d’un minimum d’une tonne de vivres. Bien entendu, nous collectons aussi les frais de douane sur la marchandise que les voyageurs étrangers introduisent au Canada, mais nous nous assurons d’abord et avant tout que ceux-ci ont en leur possession tout ce dont ils peuvent avoir besoin pour survivre pendant une période d’un an sur le territoire.
Emballage de fournitures sur le sentier Chilkoot.
L’établissement des postes n’est pas une mince affaire. Les fournitures proviennent de Skagway et de Dyea. Les bûcherons sont envoyés du côté ouest des passages en direction du sommet de Dyea où ils sont chargés et ce, au beau milieu du mois de février. Au printemps, les hommes au poste du passage Chilkoot ont une surprise, ils avaient construit leur cabane sur 20 pieds de neige! Quand la neige fond, la cabane s’enfonce jusqu’à ce qu’un coin atteigne la surface du rock.
Les autres coins de la cabane sont tout simplement maintenus en l’air. Quand la neigeest toute fondue, la cabane se retrouve à 9 pieds dans les airs.
Pendant la construction des postes, au tout début, les hommes dorment dans des tentes. Le bois représente un jour entier de transport et certains hommes sont utilisés exclusivement pour ce voyage dans la journée. Malgré tout, les tentes sont souvent mouillées et il y fait froid. Les cas de bronchite sont fréquents.
Les chercheurs d’or continuent d’arriver. Pendant tout l’hiver, la Police montée assure la sécurité, le respect de la justice et elle perçoit les redevances. À un certain moment, l’inspecteur Belcher, le commandant du poste du passage Chilkoot, cache sous son lit un sac contenant 90 000 $.
Campement d’hiver sur les sentiers.
Recommandations de la Northern Pacific railroad company dans le Chicago Record's Book pour les chercheurs d’or, 1897.
150 lb de bacon
400 lb de farine
25 lb de flocons d’avoine
125 lb de fèves
10 lb de thé
10 lb de café
25 lb de sucre
25 lb d’oignons déshydratés
15 lb de sel
1 lb de poivre
75 lb de fruits déshydratés
8 lb de poudre à pâte
2 lb de soda
1/2 lb de vinaigre évaporé
1 canne de moutarde
12 oz de soupe condensée
Un four pour quatre hommes
Une casserole pour chacun
Un jeu de sceaux en granite
Un grand sceau
Couteau, fourchette, cuillère, tasse et assiette
Une poêle à frire
Une théière et une cafetière
Une pierre à faux
Deux pioches et une pelle
Une scie
Un paquet de courroies
Deux haches pour quatre hommes et un manche supplémentaire
Six limes de 8 pouces et deux limes coniques pour le détachement
Un couteau à découper, un vilebrequin, des mèches, un rabot et un marteau pour le détachement
200 pieds de corde de trois huitième de pouce
8 lb de résine et 5 lb de tuyauterie pour quatre hommes
Des clous, 5 lb de chaque grandeur pour quatre hommes
Une tente de 10 pieds sur 12 pieds pour quatre hommes
De la toile
Deux couvertures enduites d’huile par bateau
Une boite d’allumettes pour quatre hommes.
Boire et jouer occupent une grande place dans les camps de mineurs et les bars de la ville de Dawson.
En dépit des disputes entre les États-Unis et le Canada à propos de l’emplacement exact de la frontière internationale entre les deux pays, le PCN-O va de l’avant en construisant des postes de douane aux passages White et Chilkoot. Presque tous les chercheurs d’or traversent ces passages pour atteindre le Klondike.
Les Américains ont une piètre opinion de nos façons de faire. Selon eux, les frontières se trouvent beaucoup plus loin vers l’est, plus loin que le lac Lindemann et le lac Bennett. 200 troupes de l’armée américaine arrivent à Skagway afin de protéger les intérêts américains. Le Canada devra prouver que Skagway et Dyea sont en territoire canadien. Finalement, les deux gouvernements s’entendent et décident de laisser les choses telles qu’elles sont. La réaction rapide de la PCN-O quant à l’occupation des passages aide définitivement l’établissement officiel de la frontière l’année suivante.
The NWMP detachment at the summit of the Chilkoot Trail.
Comme les chercheurs d’or descendent du sommet, ils arrivent à un immense campement, la ville de Lindemann. Le son des haches et des scies à chaîne se font entendre... pour avancer plus loin sur la route vers l’or, il faut des bateaux. Un détachement de deux policiers effectue l’enregistrement de chacune des embarcations dès que leur construction est achevée. Ce procédé permet à la PCN-O de garder une trace des propriétaires, car dans la course jusqu’au Klondike, beaucoup de gens se noient en traversant les nombreuses rapides; chavirent en raison des vents puissants ou coulent lorsque leurs embarcations se mettent soudainement à prendre l’eau. Les policiers se chargent aussi des cas de plaintes, des vols, des décès et des cas de maladie.
« … une des premières choses qu’on me fait faire après notre arrivée au lac Bennett est de numéroter tous les bateaux, pontons et canots. Les numéros doivent être peints dès qu’une embarcation est prête à partir. De plus, les noms et les adresses des hommes, des femmes et des enfants, ainsi que ceux de leurs héritiers sont inscrits, avec le numéro du bateau, dans les livres d’enregistrement à Bennett et à Tagish. » —Sam Steele
Une fois la PCN-O installée sur la route Chilkoot, quelques-uns de nos hommes sont envoyés dans le but d’établir un détachement sur les routes les moins fréquentées du Yukon. Un détachement est formé au Sud, en bordure de la rivière Stikine. Un autre détachement est installé au Nord, sur la route Dalton.
La PCN-O suit les traces de tous ceux qui naviguent su le lac Lindemann.
Tranquillement, nous avançons vers d’autres régions du Yukon. Nous construisons des postes à tous les 30 milles le long de la rivière Yukon. Trois hommes sont chargés de transmettre le courrier, de surveiller la circulation sur la rivière et doivent s’assurer que tous les voyageurs traversent les douanes sur leur chemin. Quatorze hommes sont postés à Dawson. Ils sont tenus occupés par différentes tâches policières alors que d’autres hommes sont postés sur les rivières où les mineurs travaillent.
« Le courrier part le 1er décembre... Maintenant les sentiers sont bien connus et les arbres montrent la voie par des points de repères que j’ai placés sur ceux-ci. Durant l’hiver, les hommes et les chiens doivent prendre un temps de repos tous les 30 milles, distance qui sépare les postes. Le courrier voyage jour et nuit. L’alternance des hommes et des chiens se fait toutes les 20 minutes. Toutes tentatives effectuées par des personnes autres que les policiers pour livrer le courrier, ont échoué. » —Sam Steele
La police distribue le courrier au moyen de traîneaux à chiens.
Les travaux d’hiver dépendent des chiens à traîneau.
La ruée vers l’or du Klondike prend fin au court de l’été 1898. Quelques aventuriers demeurent toutefois sur place afin de travailler aux mines, dans les scieries ou s’affairant à tout autre travail disponible. Certains ne demeurent au Yukon que le temps de couvrir leurs pertes face à ce voyage puis ils retournent à la maison.
Des contrebandiers d’alcool commerçant à partir de baleiniers attirent l’attention de la PCN-O sur l’Île Herschel.
À cette époque, la PCN-O est déjà bien établie au Yukon. Pendant quelques années, nous assurons le transport du courrier sur un trajet partant de Dawson jusqu’à Skagway. Nous effectuons cet aller-retour en moins de deux semaines. L’hiver, nous utilisons des traîneaux à chiens alors que l’été, nous voyageons par bateaux et par train.
Notre plus grand souci est maintenant de faire du Yukon un territoire régit par la Loi du pays. Dawson représente notre plus grand défi alors que nous nous efforçons d’y abolir jeux et prostitution. Nous assurons aussi la garde de prisonniers expatriés du pays qui sont envoyés au Yukon, la garde des cargaisons d’or et celle des banques. Les contrebandiers développent toujours plus de façons inusitées d’assurer le commerce de l’alcool à Dawson et sur le territoire des chercheurs d’or. Nous devons même ouvrir un poste sur l’île Herschel, dans l’Océan Arctique, afin d’assurer la vérification des baleiniers à leur arrivée sur terre.
Petit à petit, les mineurs quittent le Yukon. En 1904, une importante découverte d’or en Alaska provoque le départ du Yukon de nombreux mineurs. Dawson devient de plus en plus sécuritaire et socialisée. Nous nous tournons donc davantage sur nos tâches habituelles de policier.
Le Yukon a été la terre où nos hommes ont fait leurs preuves. Ils ont dû y travailler de façon autonome et responsable. Ils se sont vite adaptés à la vie nordique et ont appris à construire des cabanes de bois, à diriger des troupeaux de chiens et à poursuivre les criminels sur des terrains sauvages. De plus, nos hommes ont appris à servir leur pays dans la fierté et l’honneur.
Les détachements du Yukon sont petits et très dispersés