La Marche vers l'Ouest

Préparatifs avant le départ pour la grande Marche.

Préparatifs avant le départ pour la grande Marche.

La Marche vers l’Ouest, vous savez, fut une merveilleuse aventure, mais tous les hommes ne pouvaient s’y prêter.

Des hommes sont congédiés pour cause de maladie pendant que d’autres disparaissent : déserteurs!

Il y a des jours où les hommes n’avancent qu’avec du thé et des biscuits secs pour les soutenir.

L’eau insalubre créait une file d’attente devant la tente médicale.

L’eau insalubre créait une file d’attente devant la tente médicale.

Les jours suivant le départ pour le Fort Dufferin, plusieurs hommes comptent parmi la parade des malades. La diarrhée est le mal dont la majorité se plaint; les hommes buvaient l’eau de n’importe quelle source disponible.

Plus la Force avançait, plus fréquents étaient les marécages brassés et souillés par les troupeaux de bisons. Une forte odeur d’alcali s’en dégageait. Souvent, tellement assoiffés, hommes et bêtes buvaient cette eau infecte – la dysenterie en résultait.

De longues marches, de la nourriture inadéquate et de l’eau insalubre affaiblissaient les hommes. Certains souffraient de la grippe, de la malaria, de bronchite ou de pneumonie. Deux d’entre eux contractèrent la fièvre typhoïde et furent renvoyés au Fort Dufferin. Le Dr Kittson et le Dr Nevitt, les deux médecins officiels de la Marche vers l’Ouest, soignaient leurs patients avec le peu de médicaments mis à leur disposition. Ils ont même essayé de développer un insectifuge pour apaiser les souffrances des hommes.

Déserteurs

Tous les hommes ne sont pas préparés aux dures conditions qui les attendent en se joignant à la PCN-O. Le commissaire French les prévient : « ll y aura, et vous devez vous y attendre, beaucoup d'épreuves à surmonter : des jours de pluie se succéderont et vous devrez dormir dans des vêtements mouillés; vous passerez parfois un jour ou deux sans nourriture et... sans eau. À tous ceux qui ne sont pas prêts à affronter ces conditions de privation, je vous demande de vous retirer. Vous aurez votre congé. »

Trente et un hommes seulement acceptent de se lancer dans la Marche vers l’Ouest, convaincus que ce ne sera pas qu’une partie de plaisir. Par chance, French avait déjà recruté vingt hommes. La Force était donc presque complète.

Des hommes désertent pendant la marche, s’éclipsant au cours d’une patrouille ou tandis qu’ils sont chargés de faire le guet. Ils s’enfuient de la PCN-O pour différentes raisons :

L’agent Dennis, qui vient d’être condamné à douze mois d’emprisonnement et de travaux forcés pour cause d’indiscipline s’échappe de son cachot… (McIllree, Rapport annuel de la Troupe E, 1888)

Une nouvelle recrue est venue avec, je crois, l’intention de déserter. Au cours de toutes les épreuves, il ne nous a été d’aucun secours durant son bref passage parmi nous. (Deane, Rapport annuel de la Troupe K, 1889)

L’agent Wardrop a reçu une permission pour se rendre en Angleterre et il n’est jamais revenu... L’agent Stratton a reçu une permission pour visiter un ami au Canada et il est toujours en visite. (McIllree, Rapport annuel de la Troupe E, 1889)

L’agent Deleuse a déserté de Calgary le 23 juin dernier. Il avait été transféré du nord peu de temps avant. On dit qu’il était atteint de folie légère. (McIllree, Rapport annuel de la Troupe E, 1889)

Des trois hommes qui s’enfuirent de la caserne, un a déserté au sud du Manitoba en 1885 pour être réengagé plus tard. Cet homme avait un peu perdu ses esprits. (Deane, Rapport annuel de la Troupe K, 1889)

Le troisième homme a été retrouvé en possession d’effets personnels appartenant à l’inspecteur Baker. Il ne fut pas jugé bon de le remettre à nouveau à ses fonctions. (Deane, Rapport annuel de la Troupe K, 1889)

«La seule raison pouvant expliquer l’abandon des postes éloignés par certains hommes est l’espoir de se payer du bon temps de l’autre côté de la frontière. Chose certaine, ces hommes n’y trouveront jamais leur trois repas par jour et un salaire égal pour la somme de travail qu’ils font ici.» (Deane, Rapport annuel de la Troupe K, 1889)

Erreurs

Dr. Kittson et son assistant, Dr. Nevitt, travaillent de longues heures à soigner les malades.

Dr. Kittson et son assistant, Dr. Nevitt, travaillent de longues heures à soigner les malades.

Oui, quelques erreurs sont commises, mais une telle aventure n’avait jamais été entreprise auparavant!

Ce voyage n’a jamais été tenté auparavant. Des erreurs ne pouvaient être évitées. Est-ce qu’un homme possédant l’expérience sur le terrain aurait pris différentes décisions? Qu’auriez vous fait?

  • Aucun bidon d’eau n’a été emporté : French présumait que chaque campement serait près de lacs, de rivières ou d'étangs.

  • Les hommes n’avaient pas les services d’une cantine.

  • French préféra les chevaux de race aux chevaux de trait : ces premiers, pensait-il, feraient meilleure impression devant les trafiquants de whisky et les Autochtones. Par contre, ces chevaux inaccoutumés à l’herbe des prairies s’affaiblirent et moururent.

  • Pendant les 200 premiers milles, la Marche suivait la route faite par la Commission frontalière. Ensuite, elle s’est enfoncée dans la prairie inexplorée. La Force aurait pu suivre la route de la Commission frontalière pour la majeure partie du trajet vers l'ouest. Elle aurait aussi pu suivre le sentier de la traite de la fourrure jusqu’au Fort Edmonton pour ensuite se diriger vers le sud.

  • De la nourriture et des vêtements ont été renvoyés au Fort Dufferin dès le début de la Marche afin d’alléger la cargaison.

  • Les hommes se nourrissaient souvent de biscuits secs ou ils jeûnaient, car les chariots de provisions se trouvaient souvent loin derrière eux. Les charrettes à boeuf avançaient beaucoup plus lentement que les cavaliers et leurs chevaux.

  • Les moustiques harcelaient hommes et animaux.

  • Les bottes des cavaliers n’étaient pas conçues pour marcher; les hommes usèrent rapidement leurs bottes et se blessèrent les pieds.

  • De façon générale, la route employée n’avait jamais été explorée. French devait se fier à une carte inexacte et aux conseils de guides qui n’avaient jamais exploré les terres si loin vers l’ouest.

En plein coeur de la Marche.

En plein coeur de la Marche.

Chevaux

French choisit les plus magnifiques chevaux pour ses hommes. Tous grands et élégants, ils font contraste aux robustes chevaux de trait des prairies. Malheureusement, les chevaux en provenance de Toronto sont habitués au foin et au grain de qualité, pas au dur fourrage des prairies. Deux chevaux meurent sur la route entre Fargo et Fort Dufferin et ce n’est que le commencement.

French divise les hommes et les chevaux en six troupes.

Chaque troupe est composée de chevaux de la même couleur :

  • Troupe A : bai foncé

  • Troupe B : brun foncé

  • Troupe C : châtain

  • Troupe D : gris

  • Troupe E : noir

  • Troupe F : bai clair

Déchargement de chevaux là où la voie ferrée prenait fin.

Déchargement de chevaux là où la voie ferrée prenait fin.

Le choix des chevaux tourmente French pendant toute la Marche. Peu après leur arrivée au Fort Dufferin, une tempête s’abat dans les prairies. Le tonnerre, les éclairs et le vent sèment la terreur parmi les chevaux de la Force, alors que les chevaux de trait, eux, restent calmes. Quelques-uns des meilleurs cavaliers partent à la recherche des chevaux en fuite. Ils les ramènent tous sauf un seul.

Carrioles de Red–River

Ces bruyantes charrettes à deux roues furent inventées dans les prairies. Une boîte de bois perchée sur un essieu et munie de deux immenses roues. Le tout était retenu par des chevilles de bois et un cordage en cuir; des matériaux facilement remplaçables que l’on retrouvait dans les plaines. Un cheval ou un boeuf de trait pouvait généralement tirer une charrette chargée.

Pour traverser les rivières, les roues étaient enlevées et attachées à la cargaison, ce qui permettait à l’attirail de flotter sur l’eau. Très bien conçues pour les prairies par les conducteurs métis, les carrioles étaient détestées du commissaire French et de ses hommes. L’essieu n’était pas graissé car la poussière et les pierres des sentiers auraient collé à la graisse pour ensuite se prendre dans les roues. De ce fait, les roues de la carriole faisaient un son infernal qui irritait au plus haut point les nerfs de tous.

Canons de campagne

Le commissaire French s’attendait à une confrontation avec les trafiquants de whisky. Ayant entendu dire que le Fort Whoop-Up était armé de canons, il fit transporter durant toute la Marche deux canons de 9 livres et deux mortiers de cuivre.

Les chevaux, les boeufs et parfois les hommes devaient tirer jusqu’à Fort Macleod une artillerie pesant plus d’un millier de tonnes. Un homme commenta que les canons étaient « des tueurs de chevaux ». Les canons ne firent feu qu’une seule fois pour aider un journaliste qui accompagnait la force pendant la Marche à retrouver la colonne principale.

Imaginez le portrait : 302 policiers, 338 chevaux de cavalerie, 114 carrioles de Red–River et 73 chariots abritant 142 boeufs de trait accompagnés de 20 bouviers, 2 canons de campagne et 93 têtes de bétail.

Lorsqu’elle est en mouvement, la colonne d’hommes et de marchandises s’étend sur près de 8 Km en partant du meneur de troupe jusqu’à l’arrière-garde.